L’épaisseur de la lithosphère est un paramètre critique contrôlant la production de magmas par décompression dans le manteau convectif sous-jacent et la résistance mécanique des plaques. A l’aplomb d’un panache, la lithosphère peut être amincie par érosion thermo-mécanique. Des travaux récents de notre équipe (Fig. ci-contre [1]) montrent que les faibles viscosités dans l’asthénosphère à l’aplomb d’un panache favorisent la déstabilisation de la base de la lithosphère (convection à petite-échelle), produisant une remontée sensible de l’interface lithosphère-asthénophère, même lorsque les vitesses de déplacement de la plaque par rapport au panache sont élévées. Toutefois, ce processus est peu efficace pour réchauffer la lithosphère, en raison de la faible diffusivité thermique des roches mantelliques. Des observations sismologiques récentes dans le Rift Est Africain soulignent l’importance des processus magmatiques dans le rifting [2]. Ce modèle est corroboré par les travaux de notre équipe sur les massifs orogéniques qui montrent que les interactions magma-roche jouent un rôle fondamental dans l’érosion de la lithosphère.
Les massifs lherzolitiques orogéniques sont, avec les xénolites remontés par le volcanisme, les seuls témoins directs du manteau sous-continental. Ces massifs sont classiquement interprétés comme représentant un manteau supérieur peu modifié par la fusion partielle ou l’infiltration de liquides. A ce titre, ils ont servi de référence pour établir la composition du manteau terrestre et estimer son degré d’hétérogénéité. Combinés avec les météorites chondritiques, les massifs ont également été utilisés pour établir la composition du manteau primitif. Toutefois, ce schéma commence à être remis en question par des travaux récents de notre groupe dans le massif de Ronda [3], [4], ainsi que par les travaux récents d’autres groupes dans les massifs d’Horoman (Japon) et de Lanzo (Italie), suggérant que les massifs lherzolitiques, bien loin de représenter un manteau « originel » peu modifié, seraient en fait les témoins d’épisodes de réjuvénation profonde de la lithosphère sous-continentale.
Ce processus de réjuvénation implique des transferts de chaleur et de liquides du manteau asthénosphérique vers le manteau lithosphérique (érosion thermo-chimique) . Dans certains massifs, il est souligné par l’existence de fronts magmatiques d’échelle pluri-kilométrique, au moins. Au passage de tels fronts, la plupart des hétérogénéités compositionnelles et les microstructures enregistrant la déformation lithosphérique sont oblitérées ; seules les orientations cristallographiques sont préservées [5]. Véritables limites transitoires entre asthénosphère et lithosphère, les fronts magmatiques pourraient jouer un rôle majeur dans l’amincissement lithosphérique par le biais d’une chute de la viscosité associée à la présence de liquides (érosion thermo-mécanique).